Quelle est la valeur juridique d’un e-mail lors d’un litige ?
L’e-mail est devenu un outil indispensable pour les entreprises, servant aux échanges commerciaux, que ce soit les contrats avec les fournisseurs et les prestataires, ou encore les campagnes marketing et envois de newsletters aux clients. Avec 143 milliards d’e-mails échangés chaque année en France (Sarbacane), sa valeur juridique ne peut être ignorée. Peut-il servir de preuve en cas de litige ? La réponse est oui, dans de nombreux cas. Mais pour qu’un courrier électronique soit considéré comme une preuve juridique, des facteurs entrent en jeu, tels que le contexte de la discussion et les conditions de conservation.
La reconnaissance juridique des e-mails en France
Les lois et règlements en vigueur
Depuis 2005, la loi assure que les communications électroniques, dont les e-mails, sont juridiquement reconnues. Cela signifie qu’un courrier électronique peut être admis en tant que preuve devant un tribunal, au même titre qu’un document papier, à condition que des critères soient respectés. Ainsi, l’ancien article 1369-1 du Code civil précisait que « l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier ».
Abrogé par une ordonnance en 2016, cet article a été repris et transformé par l’article 1366 du Code civil qui prend désormais la forme suivante : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. » Par ailleurs, toujours depuis 2016, l’article 1125 du Code civil précise que : « La voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition des stipulations contractuelles ou des informations sur des biens ou services. »
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Les conditions de validité d’un e-mail
Pour être certifiés et avoir une valeur juridique, un mail doit donc respecter certaines conditions de fiabilité, d’authenticité et de conservation :
- Entre particuliers, la preuve est « stricte » : un e-mail doit être conforme aux exigences d’identification et d’intégrité de l’article 1367 du Code civil. Cela signifie que l’expéditeur doit être clairement identifiable et qu’il faut pouvoir prouver que le contenu du message est intègre, c’est-à-dire qu’il n’a pas été modifié. De plus, un e-mail seul n’est pas une preuve complète sans une signature électronique certifiée. Sans cette signature, il peut tout de même constituer un commencement de preuve.
- Entre professionnels, la preuve est dite « libre » : depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2018, les courriels peuvent être utilisés comme preuve recevable par le juge et ce même sans signature électronique. Un contrat conclu par échange de mails est donc reconnu comme valide, même si aucun document écrit n’a été signé.
La preuve électronique : la force des e-mails
Au-delà de ces seules considérations légales, l’e-mail est aujourd’hui bien plus qu’un simple moyen de communication pour les entreprises : c’est un outil apportant une combinaison d’efficacité et de sécurité dans les échanges professionnels. D’abord, l’e-mail contribue à préserver les échanges, en conservant des traces écrites de toutes les discussions, et en apportant une meilleure transparence et un historique fiable des transactions et accords.
Cette traçabilité peut être précieuse en cas de litige, permettant d’apporter des preuves tangibles et datées des décisions prises. De plus, l’e-mail permet de gagner du temps et de l’argent en simplifiant de nombreuses procédures administratives. En remplaçant le courrier postal et les échanges physiques, il réduit les délais de transmission d’informations et limite les coûts d’impression et d’envoi, optimisant au passage les processus internes.
Enfin, l’e-mail facilite la collaboration interne et externe en permettant un partage rapide d’informations et de documents. Que ce soit entre collègues ou avec partenaires externes, il favorise la fluidité des échanges et permet une réactivité accrue. C’est pourquoi il est devenu un outil incontournable dans les pratiques professionnelles, et constitue désormais la principale voie de communication, dans le monde de l’entreprise.
Cas pratiques : quand les e-mails fonctionnent comme preuve
Litige commercial
Dans le cas d’un litige commercial, si l’un de vos fournisseurs vous réclame une somme non conforme au devis qu’il vous avait joint par e-mail, alors vous pouvez utiliser ce même e-mail pour contester la somme devant la justice. Il s’agit d’un élément d’information recevable pour un juge car selon l’article L110-3 du Code du Commerce : « Les actes de commerce se prouvent par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. »
Litige au sein de l’entreprise
Dans le cas où un employeur envoie un courrier électronique à l’un de ses employés pour lui demander de démissionner, ce dernier peut utiliser le message en question pour prouver un licenciement abusif devant le Conseil des Prud’hommes (à moins que l’employeur prouve qu’il n’est pas le véritable expéditeur du message). Dans tous les cas, il appartient seulement au juge de trancher de l’authenticité du message.
Litige avec un particulier
Il est possible que vous passiez une commande, pour un produit ou un service, pour un particulier qui finalement se désiste au dernier moment. Vous avez avancé les frais et vous souhaitez être remboursé ? Si le particulier vous a initialement contacté par e-mail, vous pouvez utiliser la base de vos échanges électroniques comme preuve, toujours selon les conditions légales de validité détaillées précédemment !
Contrats et accords
Un contrat conclu par échange de courriels peut bénéficier d’une reconnaissance juridique par les tribunaux, à condition que l’intention des parties soit clairement exprimée.
Garantir la valeur juridique d’un mail
Le seul frein à l’utilisation des e-mails comme preuve juridique est qu’ils peuvent être falsifiés, modifiés ou usurpés, ce qui en affaiblit la force probante sur le plan légal. En effet, la preuve apportée par e-mail peut être refusée si elle ne respecte pas les conditions de validité : l’identification des parties ou l’intégrité du message.
Pensez donc à prendre certaines précautions pour renforcer leur valeur juridique :
- La conservation sur une longue période des e-mails est centrale : il faut les archiver de manière sécurisée pour éviter toute altération et pouvoir assurer leur pérennité. Parmi les options à privilégier, on peut citer l’archivage électronique certifié, ou plus simplement une solution de sauvegarde sécurisée.
- La lettre recommandée électronique (LRE) : c’est un dispositif utile et précieux pour renforcer la valeur juridique d’un mail jugé important ou vital pour l’entreprise. Alternative électronique aux lettres recommandées papier, la LRE certifie le contenu de l’e-mail, mais aussi le fait que le destinataire l’a bien reçu et ouvert. En suivant un processus réglementé et conforme aux exigences légales, elle confère une preuve juridique supérieure aux échanges, ce qui en fait un moyen privilégié pour les envois nécessitant une preuve de réception et de prise de connaissance.
Ce n’est pas tout de conserver vos emails, encore faut-il les retrouver en cas de besoin… Pensez à bien les organiser par dossier, à utiliser des mots-clés et à « flaguer » les emails urgents ou importants afin que vous puissiez y accéder rapidement.
Nos conseils pour vos campagnes d’emailing et newsletter
Pour garantir la conformité juridique de vos campagnes d’emailing et newsletters, tout en améliorant leur efficacité, voici quelques bonnes pratiques à suivre :
- Recueillir le consentement de vos abonnés : assurez-vous d’obtenir un consentement explicite de chacun de vos destinataires avant de lui envoyer des communications commerciales. Ce consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque, selon les règles du RGPD. Il est important de conserver la preuve de ce consentement pour justifier votre conformité, en cas de contrôle.
- Rappeler les mentions obligatoires : chaque e-mail doit comporter les mentions légales nécessaires, telles que les informations sur l’entreprise expéditrice (nom, adresse, numéro de SIRET), un lien vers la politique de confidentialité et les modalités de collecte des données. Ces informations sont certes obligatoires, mais elles ont aussi pour effet de renforcer la transparence vis-à-vis de votre audience.
- Faciliter la désinscription : offrir à vos abonnés un moyen simple et visible de se désinscrire est indispensable. Le lien de désinscription doit être présent dans chaque message envoyé et facile à trouver. Ne pas respecter ce droit de retrait peut non seulement affecter votre image, mais aussi entraîner des sanctions juridiques.
- Appliquer les règles du RGPD : la conformité au Règlement général sur la protection des données s’impose en toutes circonstances, et donc à toutes les communications électroniques. Cela implique notamment de limiter la collecte de données personnelles au strict nécessaire, d’assurer leur sécurité, et de respecter le droit des utilisateurs à accéder, rectifier ou supprimer leurs informations.
Article rédigé par les experts du .fr