Le métier d’influenceur a-t-il de l’avenir ?
À première vue, le métier d’influenceur semble nimbé de paillettes et de filtres colorés. Une vie rêvée où se succèdent voyages, collaborations prestigieuses et « stories » bien cadrées. Mais derrière cette façade se cache une réalité bien plus complexe : celle d’un véritable artisan du numérique. Être influenceur ne se résume pas à publier quelques photos / vidéos attrayantes ; c’est un engagement à plein temps, une connaissance affûtée des codes du web et des dynamiques communautaires. Quel avenir pour ce métier exigeant ? Quelles sont les règles à respecter ? Comment devenir influenceur ? Et pour quel salaire ?
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C’est quoi un influenceur ?
Dans l’imaginaire collectif, alimenté par les médias traditionnels (télévision, presse), le mot « influenceur » évoque des figures très médiatisées : des stars issues de la téléréalité, des mannequins au mode de vie luxueux, des célébrités enchaînant les partenariats rémunérés. Pourtant, cette vision ne reflète qu’une facette d’un univers bien plus vaste et nuancé.
En réalité, il existe une multitude d’influenceurs aux profils très variés, qui évoluent dans des domaines aussi divers que la mode, la beauté, le voyage, l’écologie, la santé, l’éducation, le sport ou encore la cuisine. Certains jouissent d’une audience massive, d’autres, appelés « micro-influenceurs » ou « nano-influenceurs », s’adressent à des communautés, certes plus restreintes, mais souvent très actives et engagées.
Un influenceur est avant tout un créateur de contenu qui, grâce à sa régularité, sa personnalité et sa pertinence, a su fédérer une communauté fidèle sur les réseaux sociaux. Instagram, YouTube, TikTok, Twitch ou LinkedIn sont ses terrains d’expression privilégiés. À mesure que sa communauté grandit, il acquiert une crédibilité et une légitimité qui peuvent se transformer en levier économique : en monétisant son influence, il peut collaborer avec des marques, recommander des produits ou des services sous la forme de publications sponsorisées, de placements de produits, d’événements ou de partenariats.
Quelques exemples d’influenceurs français
- Léna Situations (Léna Mahfouf) : devenue une figure incontournable de la scène française et européenne sur YouTube et Instagram, elle parle de lifestyle, de mode et de développement personnel, tout en cultivant une image spontanée et positive.
- HugoDécrypte (Hugo Travers) : influenceur d’un autre genre, spécialisé dans l’actualité et la vulgarisation politique, très actif sur YouTube, Instagram et TikTok. Il s’adresse principalement aux jeunes et joue un rôle éducatif majeur.
- Cyprien (Cyprien Iov) : pionnier de YouTube en France, il s’est d’abord fait connaître par ses vidéos humoristiques et ses sketchs. Aujourd’hui, il touche aussi à l’animation, au podcast et au streaming, tout en gardant une forte communauté.
- Natoo (Nathalie Odzierejko) : influenceuse historique du web français, elle s’est faite connaître avec des vidéos humoristiques et parodiques. Très active sur Instagram, elle aborde des sujets allant de la mode à la cause animale avec un ton décalé.
Devenir influenceur, c’est maîtriser les algorithmes et la création de contenus
Derrière les apparences légères et spontanées des publications d’influenceurs se cache en réalité une mécanique bien rodée. Car devenir influenceur sur Intagram, TikTok ou YouTube ce n’est pas seulement poster des photos soignées ou des vidéos amusantes : c’est bâtir, jour après jour, une communauté engagée et réceptive.
L’influenceur est, en quelque sorte, son « propre média », devant concevoir une ligne éditoriale cohérente, proposer des contenus diversifiés et adaptés à sa cible, souvent au format vidéo désormais, particulièrement plébiscité sur les plateformes sociales.
Filmer, monter, publier, promouvoir… Le processus est chronophage, et requiert de multiples compétences techniques : maîtrise des outils de tournage et de montage, storytelling visuel, gestion de la lumière, du son, des effets… Sans oublier l’importance d’avoir un rythme de publication régulier, indispensable pour conserver l’attention de son audience.
Mais la création ne suffit pas ! Pour réellement émerger sur les réseaux sociaux, encore faut-il comprendre, voire anticiper, les logiques invisibles qui régissent leur fonctionnement : les algorithmes. Ces formules mathématiques complexes analysent le comportement des utilisateurs pour leur proposer les contenus les plus susceptibles de capter leur attention. L’influenceur, pour gagner en visibilité, doit donc apprendre à leur plaire : poster au bon moment, utiliser les bons formats ou mots-clés, les musiques tendances, susciter des interactions… Un véritable jeu d’équilibriste entre créativité et stratégie.
Cette mécanique algorithmique offre à chacun une chance de percer, même sans réseau ni célébrité préalable, mais elle crée aussi une forme de dépendance. À la moindre mise à jour, les règles du jeu peuvent changer, forçant les créateurs à s’adapter sans cesse. Dans cet écosystème instable et compétitif, durer est un défi en soi. Il faut être attentif aux signaux faibles, aux tendances naissantes, aux évolutions de l’interface ou des usages. Il faut dialoguer avec sa communauté, répondre, écouter, remercier, créer du lien.
Être influenceur, aujourd’hui, c’est donc endosser plusieurs rôles à la fois : créateur de contenu, stratège, technicien, animateur, analyste de données et même entrepreneur !
Les types d’influenceurs
Tous les influenceurs ne jouent pas dans la même cour. On peut les cataloguer selon la taille de la communauté qu’ils ont su construire et qu’ils fédèrent :
- Macro-influenceurs : avec plus de 100 000 abonnés, ce sont les profils les plus visibles. Leur audience est large, souvent internationale. Ils sont très prisés des grandes marques pour des campagnes d’envergure, mais leur taux d’engagement peut être plus faible en raison d’une relation moins directe avec leur communauté.
- Micro-influenceurs : comptant entre 10 000 et 100 000 abonnés, ils bénéficient d’une communauté plus ciblée, et sont souvent spécialisés dans un domaine (mode, sport, bien-être, tech…). Leur proximité avec leurs followers renforce leur crédibilité.
- Nano-influenceurs : avec moins de 10 000 abonnés, ce sont des créateurs très proches de leur communauté. Leur impact repose sur la confiance, l’authenticité et un fort taux d’engagement. Ils sont recherchés pour des campagnes de niche.
Études et formations pour devenir influenceur
Le métier d’influenceur ne suit pas de parcours académique traditionnel. Il n’existe pas, à ce jour, de formation unique ou diplômante spécifiquement dédiée à cette activité. La majorité des influenceurs sont autodidactes, ayant appris sur le terrain, en expérimentant les outils numériques et en observant les tendances du web.
Cependant, certains cursus peuvent offrir une base solide pour se professionnaliser plus rapidement. Parmi les formations pertinentes, on peut citer :
- Un BTS Communication (bac +2), pour acquérir les fondamentaux de la stratégie de communication.
- Un BUT Métiers du multimédia et de l’internet (bac +3), pour développer des compétences techniques en création de contenus numériques.
- Une licence professionnelle dans les métiers du numérique, ou un bachelor en école de commerce, avec spécialisation en marketing digital.
Bien que ces parcours ne soient pas obligatoires, ils peuvent faciliter l’accès à des outils, à des réseaux professionnels et à des compétences précieuses.
Le salaire des influenceurs, toujours plus surveillé et encadré
Monétiser son influence est, bien sûr, un objectif pour les créateurs ayant su fédérer une audience significative. Cette rémunération passe par des partenariats avec des marques : publications sponsorisées, placements de produits, collaborations exclusives… Mais ce volet commercial est désormais encadré de manière stricte par la législation.
Depuis de nombreuses années déjà, la loi impose la transparence : « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Et doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. » (article 20 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Le non-respect de ces obligations est assimilé à une pratique commerciale trompeuse.
La loi du 9 juin 2023, relative à l’encadrement de l’influence commerciale sur les réseaux sociaux, est venue renforcer encore ces règles. Elle oblige désormais les influenceurs à déclarer toute collaboration rémunérée, à interdire certaines publicités (produits médicaux, jeux d’argent, chirurgie esthétique…) et à signaler l’usage de retouches ou de filtres sur les contenus sponsorisés. L’ARPP (soit l’autorité de régulation de la publicité) et la DGCCRF (répression des fraudes) veillent à l’application de ces règles. Les sanctions peuvent être sévères : amendes, suspension de comptes, voire peines judiciaires.
Et leur mise en œuvre n’a pas tardé. Ainsi, dès août 2023, la DGCCRF a épinglé plusieurs influenceurs pour ne pas avoir indiqué le caractère publicitaire de certaines publications ou pour avoir promu des services illégaux.
Aujourd’hui, influenceurs comme marques doivent faire preuve d’une éthique irréprochable. Mentionner un contenu sponsorisé via les hashtags #sponsorisé, #collaborationcommerciale ou #publicité n’est plus une option, mais une obligation !
Combien gagne un influenceur ?
Le métier d’influenceur s’est considérablement professionnalisé ces dernières années, notamment en France où l’on dénombre environ 150 000 créateurs de contenu. De plus en plus, les créateurs de contenu établis travaillent avec des agents ou agences spécialisées qui gèrent leur image, négocient leurs contrats et développent des stratégies commerciales. Une structuration qui rapproche ce secteur des industries culturelles classiques.
Toutefois, pour les « aspirants influenceurs », la réalité est tout autre : en l’absence d’un réseau solide ou d’une communauté fidèle, il faut gérer seul tous les aspects du métier, de la création au démarchage, sans garantie de revenu stable.
Vivre exclusivement de cette activité demeure un défi pour beaucoup. En 2021, seuls 11 % des influenceurs français déclaraient gagner plus de 10 000 € par an, ce qui ne représente même pas la moitié du SMIC annuel brut, grâce à leurs réseaux sociaux. Un chiffre qui est passé à 25 % en 2024, reflétant une tendance à la hausse, même si la majorité des créateurs ne génèrent pas encore de revenus substantiels.
Les revenus varient considérablement en fonction de la taille de l’audience, du taux d’engagement et des partenariats établis. Certains influenceurs de premier plan, tels que Tibo InShape, ont réussi à bâtir des empires médiatiques avec des millions d’abonnés, tandis que d’autres, peinent à monétiser leur contenu de manière significative.
Pour beaucoup, l’influence reste une activité complémentaire, et non une source de revenu.
Évolution de carrière : travailler en entreprise ou à son compte
Ceci étant dit, le métier d’influenceur peut être valorisé autrement : en effet, il peut constituer une véritable passerelle vers des carrières variées dans le marketing, la communication ou les médias. Grâce à l’expérience acquise sur le terrain, de nombreux influenceurs développent des compétences particulièrement prisées en entreprise :
- Parfaite maîtrise des réseaux sociaux
- Maîtrise des codes de l’image et vidéo : réalisation et montage vidéo
- Bonne connaissance de son domaine (crédibilité)
- Connaissances en marketing numérique
- Communication
- Créativité et réactivité
- Proximité avec la communauté
- Capacité à créer un sentiment de confiance
- Travail constant et persévérance
- Capacité de gestion de son temps
- Authenticité
- Capacité de storytelling
- Collaborations et partenariats (positif pour la relation client)
- Stratégie de communication et de fidélisation
Leur capacité à créer du contenu engageant (vidéo, image, storytelling), leur sens de la communication et leur compréhension des attentes d’une communauté les rendent attractifs pour des postes en stratégie digitale, en brand content ou en gestion de communauté.
Autonomie, rigueur, créativité, authenticité et réactivité sont autant de qualités transférables dans le monde professionnel. Les plus expérimentés peuvent même travailler à leur compte comme consultants en marketing d’influence, coachs en communication ou bien créateurs indépendants pour des marques. Leur connaissance des codes visuels, leur expertise en fidélisation et leur capacité à générer de l’engagement sont des atouts précieux.
Le statut juridique : quel statut pour travailler en tant qu’influenceur ?
Depuis le 1er juin 2023, la France est l’un des premiers pays au monde à encadrer et à réguler le secteur de l’influence commerciale :
- Avec la création d’une définition juridique des influenceurs : personnes qui mobilisent leur notoriété en ligne pour promouvoir, contre rémunération ou avantages en nature, des produits ou causes, dans le cadre d’une activité commerciale ou promotionnelle.
- De son côté, l’agence d’influenceurs, intermédiaire commercial entre le créateur de contenu et la marque, doit respecter des obligations en matière de transparence, avec l’obligation de formaliser par écrit tout partenariat entre une marque, une agence et un influenceur si la rémunération dépasse un certain montant.
- La loi impose aussi une responsabilité partagée entre l’influenceur, l’annonceur et l’éventuel agent en cas de manquement aux obligations légales. Tous les acteurs de la chaîne peuvent donc être tenus « juridiquement responsables ».
Article rédigé par les experts du .fr